Vers une hospitalité authentique : résister à la culture du développement personnel

C'est en lisant un post de Gregory Pouy* que j'ai eu l'idée d'écrire cet article. Depuis que nous avons décidé, avec Virginie, de transformer l'ancien presbytère de Saint-Jean-du-Bruel en un espace d'hospitalité alliant confort et design, je reçois des messages de personnes issues du monde des start-ups ou de la communication me disant : "Génial, tu te lances dans le business du développement personnel."

À chaque fois, je ressens le même malaise. 

Pour commencer, nous ne nous lançons pas dans un business, mais dans une démarche de rénovation et de création pour faire naître un espace différent. C'est quelque chose de bien plus engageant, profond, transformant qu'un simple business. 

Ensuite, disons-le clairement, je n'aime pas le terme "développement personnel". Je ne nie pas qu'il peut permettre à des individus de vivre mieux ou de comprendre certaines évidences. Il y a 10 ans, j'ai été marqué par un ouvrage d'Eckhart Tolle, une des bibles du développement personnel, "The Power of Now". Ce livre peut sembler évident, mais il a été pour moi le début d'une profonde transformation.

Cependant, l'idée du développement personnel véhicule une forme de culture du développement à l'extrême qui me gêne. Non seulement elle fait fi de l'impact des structures sociales, économiques, politiques ou des diktats marketing sur nos comportements, mais elle transforme une quête de soi en une démarche consumériste. On standardise les notions de succès ou de bonheur alors qu’elles sont, par essence, plurielles. Elles peuvent s’exprimer dans un dépassement ou dans un recueillement, dans une démarche spirituelle ou matérielle, dans l’épanouissement de l'âme ou du corps, dans un mixte de tout cela. Standardiser le bonheur ou la réussite, c’est penser qu’il n’y a qu’une manière d’habiter cette planète. C’est s’installer dans une quête sans fin de recherche et d’amélioration de soi. C’est une logique du toujours plus vite, toujours plus fort. C’est une culture de l’optimisation continue. C’est appliquer les logiques performatives à ce que nous avons de plus intime : notre âme et notre corps. C’est penser que nous fonctionnons comme une suite logicielle avec des mises à jour permanentes. 

Bref, c'est exactement l'inverse de ce que nous voulons et de ce que nous allons faire.

Dans une société dominée par une culture de la productivité incessante, de l'accélération permanente, du développement personnel, nous cherchons à créer un espace d'hospitalité centré sur le ralentissement. Un endroit où l'on peut atterrir. Un lieu où l'on peut ressentir la beauté de la nature et la puissance de notre héritage spirituel. Une oasis de réflexion et de découverte personnelle, loin des impératifs de performance et de progression sans fin, où l'on accepte nos limites et célèbre nos singularités. Une parenthèse où des gens différents apprennent à se perdre, malgré leurs différences, dans le visage de l'autre. Un espace où l'objectif n'est pas de devenir une meilleure version de soi, mais plutôt de se comprendre et de faire la paix avec soi-même.

Un lieu où chaque individu peut prendre le temps de s'écouter, de se connaître et de se respecter, loin des pressions extérieures et des normes sociales. Bref, un refuge d'hospitalité pour être authentique, être soi-même.

*Analyste culturel, conférencier, auteur et podcasteur

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